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MÉMOIRES DE MADAME DE BOIGNE

daient le sort des augustes exilés bien déplorable. J’en fus vivement affectée.

J’ai la certitude que, dès le mois d’août 1848, monsieur Thiers avait expédié à Londres la duchesse de Massa, chargée de dire au Roi que, sans la réunion à la branche aînée, point de salut. On ne pouvait le soupçonner, lui, d’être entaché de légitimisme, mais il en était si fermement convaincu qu’il se croyait obligé en honneur d’en avertir le Roi.

À Claremont, on en parla devant monsieur Guizot. Il adopta l’idée et, selon son usage, la proclama immédiatement sienne. Dès lors, monsieur Thiers s’en détacha, se retourna du côté de madame la duchesse d’Orléans et lui donna, j’ai lieu de le croire, des conseils fort pernicieux qui achevèrent de lui tourner la tête. Cela n’était pas bien difficile.

Madame la duchesse d’Orléans avait beaucoup d’esprit, mais une ambition désordonnée, très agressive et surtout très personnelle. L’assurance de voir la couronne placée sur la tête de son fils, d’une façon plus solide et plus honnête, ne lui aurait certainement pas paru une compensation suffisante à n’être plus que la quatrième dame de France, au lieu de la première, comme elle le rêvait par sa régence fictive.

Elle s’en préoccupait fort. Elle n’ignorait pas que cette clause n’existait point dans l’acte d’abdication arraché au roi Louis-Philippe, et elle avait négocié pour s’en faire reconnaître le titre à Claremont ; mais le Roi s’y refusait positivement ; il affirmait n’avoir pas le droit d’abroger une loi.

De son côté, la princesse, après bien des délais, ayant enfin dû rejoindre sa famille en Angleterre, se refusait obstinément, et même avec colère, à tout accommodement avec le comte de Chambord.