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MÉMOIRES DE MADAME DE BOIGNE

épouvantait la France. J’avais pu m’en apercevoir pendant le peu de jours où j’étais demeurée à Paris ; je n’avais jamais vu autant d’empressement, et même d’affectation, à nous prodiguer nos titres.

Il semblait que les marchands et les bourgeois qu’on rencontrait y trouvassent une sorte de soulagement. C’était pour eux comme une protestation contre l’autorité révolutionnaire qui surgissait.

Ces bonnes élections et la victoire remportée à Paris permettaient une sécurité comparative. J’aurais pourtant désiré passer l’hiver à Tours où nous étions entourés de tant de prévenances, et de soins par toutes les classes de la population.

Le chancelier soupirait après son Paris, la grand’ville, et aspirait à se retrouver au centre des nouvelles. Il alla jusqu’à me proposer d’aller passer un mois à Paris et de venir me rejoindre. Ce n’était pas là mon compte.

Je craignais bien plus pour lui que pour moi le séjour de la capitale. Nous y rentrâmes donc aux premiers jours de novembre.

Il s’établit dans une maison à lui, dans la rue Royale. Il l’avait fait arranger en vue d’y installer sa bibliothèque, échappée aux spoliations du Luxembourg.

Je revins dans la rue d’Anjou, et, en me retrouvant dans mon confortable établissement, que je n’espérais guère revoir en le quittant le 14 mars, j’éprouvai, j’en conviens, une très vive satisfaction.

De bien douloureuses nouvelles d’Angleterre m’y attendaient. Le château de Claremont était inhabité depuis la mort de la princesse Charlotte de Galles. Des réservoirs doublés de plomb, et mal entretenus, avaient altéré la condition des eaux, sans qu’on eût conçu le moindre soupçon. L’effet ne fut pas immédiat.

La Reine, madame de Montjoie et madame de Dolo-