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MÉMOIRES DE MADAME DE BOIGNE

dée à lui consacrer le reste de mon existence et à le suivre dans l’exil, s’il était forcé à le subir.

Je trouvai monsieur Pasquier dans le meilleur état possible, aussi sain de corps que d’esprit, envisageant toute la gravité de sa position, sans l’exagérer ni aux autres ni à lui-même.

Il se montrait peu, sans se cacher, et, jusque-là, il n’avait recueilli, à Tours, que des marques de haute considération.

Les autorités révolutionnaires de la ville, y compris le commissaire du gouvernement provisoire, un certain monsieur Marchais, qui avait été lui-même compromis dans le procès Quénisset et jugé au Luxembourg, était nonobstant venu lui faire visite à son auberge et lui offrir ses services.

Il n’était, à la vérité, maître de rien, mais, comme il y avait fort peu d’ouvriers et encore moins de populace dans la ville, il n’était besoin d’aucun effort pour y maintenir le calme. Au surplus, à Tours, comme dans tout le reste de la France, la République était en horreur.

Nous nous décidâmes à y rester provisoirement. Le seul chemin de fer achevé en ce moment s’y terminant, on recevait plus promptement qu’ailleurs les nouvelles de Paris et, si elles forçaient à fuir, les routes s’y présentaient de tous les côtés.

Nous hésitions entre Pau, pour lequel son doux climat et le voisinage de l’Espagne militaient, et Jersey donnant une sécurité plus positive. Je ne pensais pas à l’Angleterre, malgré mes relations intimes et de famille. J’étais trop persuadée que le chancelier ne pourrait vivre dans un pays où on ne parlait pas français.

Les jours et les semaines se succédant ainsi, sans que notre tranquillité se trouvât troublée, je louai un fort grand appartement, situé sur un beau jardin rejoignant