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MORT DU DUC D’ORLÉANS

déjà, et, moins maîtresses d’elles-mêmes, avaient peine à retenir leurs sanglots.

Le prince de Joinville, le duc d’Aumale, le duc de Montpensier se joignirent successivement à leur famille éplorée.

La Reine invoquait à haute voix la miséricorde de Dieu sur son bien-aimé, sur son premier-né. Elle lui réclamait, du moins, un instant de connaissance pour avouer la puissance de son Créateur, adorer sa grandeur et toucher sa clémence.

Monsieur le duc d’Orléans ne possédait pas les sentiments religieux que sa tendresse maternelle lui aurait désirés. C’était le seul chagrin qu’il lui eût jamais causé ; mais, dans ce moment suprême, ce chagrin était le plus amer que son âme si pieuse pût ressentir.

Le curé de Neuilly, appelé en hâte, avait administré le prince ; mais la Reine avait vainement épié une lueur de connaissance.

Depuis plus d’une heure, un silence funèbre régnait dans le réduit où il ne restait que la famille, le curé et deux médecins qui ne tentaient plus rien ; lorsqu’un cri formidable, poussé par la Reine, avertit les groupes qui se pressaient autour de la maison que l’événement trop prévu venait de s’accomplir.

Elle avait vu pencher cette jeune tête ; elle s’était rapprochée ; le dernier souffle avait effleuré son visage, et ses entrailles maternelles y avaient répondu par ce gémissement dont toutes les personnes présentes conserveront un ineffaçable souvenir.

Il attira dans la chambre mortuaire les personnages marquants qui se tenaient dans la petite boutique donnant sur la route au moment où le Roi lui-même fermait les paupières de son fils et l’embrassait.

La Reine colla ses lèvres sur ce front décoloré, puis,