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MÉMOIRES DE MADAME DE BOIGNE

gardes nationaux, il était rentré en s’écriant que tout était perdu.

Le duc de Montpensier s’était alors accroché à son bras en lui disant : « Abdiquez, Sire, abdiquez. Vous n’avez pas d’autre moyen de sauver votre famille ; nous allons tous être massacrés. »

La Reine s’était alors avancée et, affirmant que cette considération ne devait pas décider le Roi, elle avait résisté à l’abdication.

Monsieur le duc de Montpensier avait continué ses sollicitations, placé une feuille de papier sur la table et fait asseoir le Roi presque de force, et, tandis qu’il ôtait ses gants, les lui avait arrachés, en criant convulsivement : « Écrivez, écrivez, Sire, il n’y a pas un instant à perdre. »

Le papier à peine signé, il l’avait enlevé précipitamment, et remis, par-dessus la tête du Roi, à monsieur Émile de Girardin ; celui-ci l’avait emporté en courant.

Le cabinet royal était rempli de monde ; on y entrait comme dans la place publique.

Pendant que le Roi écrivait, la Reine dit calmement à madame la duchesse d’Orléans :

« Réjouissez-vous, Hélène, vous en êtes venue à vos fins.

— Ah ! ma mère, quelle cruelle parole, s’écria la princesse en se précipitant sur ses mains. »

La Reine ne retira ni ses mains, ni ses paroles. Elle les a niées depuis ; mais deux personnes, également dignes de foi, m’ont assuré les avoir entendues.

Madame la duchesse d’Orléans, éperdue, s’écriait à chaque instant : « Et Joinville qui n’est pas ici ! »

Le Roi entra dans sa chambre pour ôter son uniforme, la Reine dans la sienne pour prendre son chapeau et donner quelques ordres à Lapointe, son valet de con-