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CHUTE DE LA MONARCHIE D’ORLÉANS

tants après, je reçus un message de lui. Le Luxembourg, quoique fort menacé, n’était pas encore au pouvoir des bandits.

Le chancelier avait pu gagner la barrière par le jardin. Il y avait trouvé sa voiture et il me faisait dire qu’il partait pour Châtenay, où il allait m’attendre. Je respirai un peu, mais pas trop librement. Aller à Chàtenay, c’était se jeter dans la gueule du loup. Notre présence y serait plus remarquée que partout ailleurs, et, s’il lui fallait se cacher, aucun lieu ne pouvait être plus mal choisi.

J’ai appris depuis qu’en me quittant le mercredi, il s’était rendu chez monsieur Molé. Le Roi, impatient d’une réponse, y avait envoyé un de ses aides de camp. Celui-ci emportait une lettre dans laquelle monsieur Molé, en annonçant au Roi l’impossibilité où il se trouvait de former un cabinet, lui disait y renoncer entièrement.

Le chancelier, n’ayant plus rien à apprendre au Roi, ne retourna pas aux Tuileries. Il regagna le faubourg Saint-Germain, encore parfaitement calme, et rentra dans son appartement, sans se douter des immenses résultats de l’échauffourée dont nous avions entendu le bruit.

Il n’en fut informé que le lendemain et apprit, les unes après les autres, les péripéties de cette orageuse matinée, sans oser s’éloigner du poste où le devoir le retenait.

Vers les onze heures, il reçut l’avis de se préparer à une séance royale. Lui et monsieur Decazes s’occupèrent de convoquer le plus de pairs possible. Ils arrivèrent en petit nombre, et attendirent madame la duchesse d’Orléans et son fils jusqu’au moment où la déroute éprouvée à la Chambre des députés leur fut connue. Le chancelier rentra dans son appartement pour mettre ordre à quelques papiers.