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MÉMOIRES DE MADAME DE BOIGNE

pas paralysie des extrémités inférieures. Les membres s’agitaient de mouvements convulsifs, et la respiration était haletante.

À l’aide de gobelets, empruntés au cabaret voisin, et d’un mauvais rasoir, on parvint à improviser des ventouses scarifiées. De tous les remèdes tentés durant ces heures d’angoisses, ce fut le seul qui sembla faire effet. La respiration s’assouplit.

Monsieur le duc d’Orléans se dressa sur son séant, en ordonnant d’une voix assez forte, en allemand, d’ouvrir la porte ; puis il retomba, demandant, aussi en allemand, qu’on lui donnât de l’air.

La langue, dont il se servit alors, s’explique très naturellement par l’habitude de la parler à un valet de chambre saxon qui ne l’avait pas quitté depuis l’âge de sept ans.

La chaleur était excessive ; les médecins demandèrent qu’on s’écartât du lit du prince. La Reine se recula dans la porte. Peut-être un peu d’espérance s’était glissée dans son cœur et lui ôtait la force du désespoir ; car, pour la seule fois, dans cet affreux désastre, elle se sentit défaillir et tomba anéantie contre cette porte.

Le chancelier la soutint dans ses bras plus d’un quart d’heure. Au bout de ce temps, les médecins avaient repris leur physionomie sinistre.

Le Roi seul hasardait de temps à autre des remarques favorables qui se perdaient dans le silence général. La Reine était retombée à genoux, et la désolation régnait en plein autour de ce sinistre grabat où planait la mort. Elle s’approchait évidemment ; le Roi lui-même l’avait enfin compris.

Madame la princesse Clémentine et madame la duchesse de Nemours, tardivement averties de l’accident, éaient venues ajouter leurs larmes à celles qui coulaient