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MORT DU DUC D’ORLÉANS

conseil de ministres où le prince devait assister avant son départ pour Saint-Omer.

Les équipages, toutefois, n’étant pas encore avancés, la Reine partit à pied, immédiatement suivie du Roi et de madame Adélaïde.

Quelque précipitée que fût leur course, les voitures les atteignirent avant la grille du parc. Tandis qu’ils y montaient, un second gendarme apportait le rapport qu’un médecin arrivait près du prince. Ce messager parlait d’une fracture à l’épaule.

Le carrosse royal ne tarda pas à s’arrêter devant l’échoppe. Le Roi s’y précipita le premier ; il revint aussitôt sur ses pas : « Ce n’est rien de grave, cria-t-il à la Reine, il n’y a point de fracture ; il est déjà saigné, le sang est superbe. » Pendant ce peu de mots, les deux princesses entraient et examinaient à leur tour le blessé. Madame Adélaïde dit à voix basse au Roi :

« Mais Chartres est sans connaissance.

— Sans doute, répondit le Roi tout haut. C’est toujours l’effet d’une forte secousse. Lorsque je suis tombé de cheval à Villers-Cotterets, je n’ai repris connaissance, tu dois te le rappeler, qu’au bout de sept heures, et cela n’a rien été ; j’étais bien le lendemain. J’ai vu Beaujolais de même, après cette grande chute en Écosse. »

Le Roi puisait quelque sécurité dans ces souvenirs de famille, et inspirait une sorte d’espérance à sa sœur. Quant à la Reine, elle était tombée à genoux au pied du matelas ; ses yeux ne quittaient pas la figure du prince. Elle n’interrogeait qu’elle seule, et m’a dit n’avoir pas eu un instant d’illusion.

Cependant, la fracture du crâne, se trouvant placée derrière la tête, les médecins, qui arrivaient de moment en moment, ne l’avaient pas d’abord constatée, et ils affirmaient la moelle épinière intacte, car il n’y avait