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DÉPART DE MESDAMES

même avait entendu les hurlements de la colonne qui s’avançait de l’autre côté de la Seine. Enfin, Mesdames consentirent à monter dans la voiture de monsieur de Thiange qui se trouvait par hasard dans la cour. Alors leurs gens se décidèrent, les voitures de voyage avancèrent. À peine la dernière sortait-elle par la grille de Meudon que la grille du côté de Sèvres fut assaillie par la multitude. Elle fut bientôt forcée : on entra dans le château qui fut mis au pillage, mais Mesdames avaient échappé au danger.

On a accusé le comte Louis de Narbonne de le leur avoir fait courir, parce que, chevalier d’honneur de Madame Adélaïde, il devait l’accompagner et préférait rester à Paris. Mon père a toujours regardé cette assertion comme une de ces absurdes calomnies que l’esprit de parti invente contre les gens qui ne partagent pas ses passions. Au reste, mon père était prévenu pour le comte Louis, il l’aimait tendrement ; leur affection était mutuelle, et les opinions politiques avaient peine à les désunir. Le comte Louis disait : « Je suis la passion honteuse de d’Osmond, vainement il se débat contre ; et, moi, je ne m’accoutumerai jamais à le voir dans le parti des bêtes ». Ils se rencontraient rarement mais, quand ils se voyaient, c’était toujours avec amitié.

Mesdames furent arrêtées en route. Rendues à la liberté par un décret de l’Assemblée, elles poursuivirent leur route. Nous commençâmes la nôtre qui s’effectua sans accident, et nous rejoignîmes Mesdames à Turin.

Établie à Rome, ma mère y passa quelques mois dans une vive inquiétude sur les dangers où mon père était exposé. Il vint nous rejoindre au printemps de l’année 1792, quelques mois après la fuite de Varennes. Voici ce que je lui ai entendu raconter depuis :

Le Roi avait formé le projet de s’éloigner de Paris