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CHAPITRE iii


Mon enfance. — Belle poupée. — Bonté du Roi. — Commencement de la Révolution. — Ouverture des États généraux. — Départ de monsieur le comte d’Artois. — Le 6 octobre 1789. — Voyage en Angleterre. — Madame Fitzherbert. — Boucles du prince de Galles. — Séjour à la campagne. — Princesses d’Angleterre.

J’ai été littéralement élevée sur les genoux de la famille royale. Le Roi et la Reine surtout me comblaient de bontés. Dans un temps où, comme je l’ai déjà dit, les enfants étaient mis en nourrice, puis en sevrage, puis au couvent, où, vêtus en petites dames et en petits messieurs, il ne paraissaient que pour être gênés, maussades et grognons, avec mon fourreau de batiste et une profusion de cheveux blonds qui ornaient un jolie petite figure, je frappais extrêmement. Mon père s’était amusé à développer mon intelligence, et l’on me trouvait très sincèrement un petit prodige. J’avais appris à lire avec une si grande facilité qu’à trois ans je lisais et débitais pour mon plaisir et même, dit-on, pour celui des autres, les tragédies de Racine.

Mon père se plaisait à me mener au spectacle à Versailles. On m’emmenait après la première pièce pour ne pas me faire veiller, et je me rappelle que le Roi m’appelait quelquefois dans sa loge pour me faire raconter la pièce que je venais de voir. J’ajoutais mes réflexions qui avaient ordinairement grand succès. À la vérité, au milieu de mes remarques littéraires, je lui disais un jour