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LA DUCHESSE DE CIVRAC

bles d’un grand tort envers vous, puisqu’un de vos parents est garde du corps. Cela est donc inconvenant ? » Monsieur de Lorge répondit amicalement, mais en déclinant doucement la parenté. « Mon Dieu, dit-elle, je n’entends rien à tout cela, mais je vous apporterai les papiers de mon mari. » En effet, elle porta les papiers bien en règle et le certificat de Chérin. Il n’y avait rien à dire contre ; et d’ailleurs on n’en avait plus envie.

Le mari fut retiré des gardes du corps, placé dans un régiment et envoyé en garnison. La femme eut un petit entresol à l’hôtel de Lorge. Le maréchal de Lorge n’avait pas de fils. Le maréchal de Duras n’en avait qu’un qui déjà promettait d’être un détestable sujet. La grossesse de madame de Blagnac commença à être soignée ; le petit tabouret devint un fauteuil. Bientôt on ne l’appela plus que madame de Civrac, second titre de la branche de Lorge. Enfin, au bout de peu de mois, elle était si bien impatronisée dans la maison qu’elle y disposait de tout, mais en conservant toujours les égards les plus respectueux pour monsieur et madame de Lorge. Les Duras partagèrent l’engouement qu’elle inspirait.

Lorsque la maison de madame Victoire fut formée, elle fut nommée une de ses dames ; bientôt elle devint sa favorite, puis sa dame d’honneur. Elle fut, à cette occasion, nommée duchesse de Civrac.

Elle avait toujours conservé les meilleurs rapports avec son mari qu’elle comblait de marques de considération, mais qui était trop butor pour pouvoir en tirer parti quand il était présent. Elle réussit à le faire nommer ambassadeur à Vienne ; il eut la bonne grâce d’y mourir promptement. C’est la seule preuve d’intelligence qu’il eût donné de sa vie. Il la laissa mère de trois enfants, un fils, depuis duc de Lorge et héritier de la fortune de