Page:Mémoires de la comtesse de Boigne Tome I 1921.djvu/72

Cette page a été validée par deux contributeurs.
65
LA DUCHESSE DE CIVRAC

« Je vous écris parce que je ne sais que faire et je finis parce que je ne sais que dire.

« Sassenage de Maugiron,
« bien fâchée de l’être. »

On ne savait pas se refuser une repartie spirituelle. Le maréchal de Noailles s’était très mal montré à la guerre, et sa réputation de bravoure en était restée fort suspecte. Un jour où il pleuvait, le Roi demanda au duc d’Ayen si le maréchal viendrait à la chasse. « Oh ! que non, Sire, mon père craint l’eau comme le feu. » Ce mot eut le plus grand succès.

Je n’ai voulu rapporter ces divers faits, faciles à multiplier, que pour prouver combien dans ces temps qu’on nous représente plus moraux que les nôtres, dans ces temps où la société était, disait-on, un tribunal dont tout le monde ressortissant, l’esprit et surtout l’impudence suffisaient pour éviter les sentences qu’elle aurait portées probablement contre des torts moins spirituellement affichés.

J’ai dit que madame de Civrac était dame d’honneur de madame Victoire. Sa vie est un roman.

Mademoiselle Monbadon, fille d’un notaire de Bordeaux, avait atteint l’âge de vingt-cinq ans. Elle était grande, belle, spirituelle et surtout ambitieuse. Elle fut recherchée en mariage par un hobereau du voisinage qui s’appelait monsieur de Blagnac. Il était garde du corps. Cet homme était pauvre, fort rustre, incapable d’apprécier son mérite, mais désirait partager une très petite fortune qu’elle devait hériter de son père. La personne qui traitait le mariage fit valoir la naissance de monsieur de Blagnac ; il était de la maison de Durfort. Mademoi-