Page:Mémoires de la comtesse de Boigne Tome I 1921.djvu/66

Cette page a été validée par deux contributeurs.
59
LA DUCHESSE DE NARBONNE

chez elle et où madame de Narbonne avait été plus maussade que de coutume, elle fit le projet de ne pas retourner chez elle le lendemain ; et, se complaisant dans cette idée, composa un roman sur ce que madame de Narbonne dirait, sur la manière dont elle-même agirait, le caractère qu’elle déploierait, etc.

« Vous ne répondez pas, madame d’Osmond, vous avez tort ; je suis faible, je suis Bourbon, j’ai besoin d’être menée, mais je ne suis jamais traître.

— Je ne soupçonne pas même Madame d’indiscrétion ; mais je sais que, demain, elle sera un peu plus gracieuse que de coutume vis-à-vis de madame de Narbonne pour la venger de cette légère infidélité de pensée.

— Hélas ! je crains bien que vous n’ayez raison. »

Et, en effet, le lendemain, une explication provoquée par la princesse amena une demande d’argent ; il fut donné ; madame de Narbonne fut charmante le soir. La bonne princesse, cherchant à voiler sa faiblesse, dit en se retirant à ma mère que madame de Narbonne lui avait fait des excuses de la grognerie de la veille ; elle n’ajouta pas comment elle l’avait calmée, mais c’était le secret de la comédie. Le comte Louis était le premier à en rire, et cela simplifiait sa position ; car dans ce temps, tout travers, tout vice, toute lâcheté, franchement acceptés et avoués avec des formes spirituelles, étaient assurés de trouver indulgence.

La princesse devait être reconduite de chez madame de Narbonne chez elle, dans l’intérieur du château, par sa dame de service. Souvent elle en dispensait, surtout quand il faisait froid, parce qu’elle allait toujours à pied et que les dames circulaient habituellement dans les corridors et les antichambres en chaise à porteurs. Ces chaises étaient fort élégantes, dorées, avec les armes sur les côtés. Celles des duchesses avaient le dessus couvert