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MÉMOIRES DE MADAME DE BOIGNE

« Monsieur, je préconerai votre exactitude, » reprit l’autre aussitôt. Cette prompte repartie eu grand succès.

La Reine, en sortant de chez Madame, allait chez madame de Polignac ou chez madame de Lamballe, le samedi ; Monsieur, chez madame de Balbi ; Madame dans son intérieur avec des femmes de chambre ; monsieur le comte d’Artois dans le monde de Versailles, ou chez des filles à Paris ; madame la comtesse d’Artois, dans son intérieur avec des gardes du corps ; et, enfin, Mesdames, chez leurs dames d’honneur respectives.

Madame de Civrac tenait à madame Victoire un salon fort convenablement rempli de gens de la Cour. Madame de Narbonne n’ajoutait guère au service de la princesse que des commensaux ; son humeur arrogante ne lui permettait pas d’autres relations. On a publié, dans des libelles du temps, que le comte Louis de Narbonne était fils de madame Adélaïde ; cela est faux et absurde, mais il est vrai que la princesse a fait à ses travers des sacrifices énormes. Cette madame de Narbonne, si impérieuse, était soumise à tous les caprices du comte Louis. Lorsqu’il avait fait des sottises et qu’il manquait d’argent, elle avait une humeur insupportable qu’elle faisait porter principalement sur madame Adélaïde ; elle lui rendait son intérieur intolérable. Au bout de quelques jours, la pauvre princesse rachetait à prix d’or la paix de sa vie. Voilà comment monsieur de Narbonne se trouvait nanti de sommes énormes qu’il se procurait, sans prendre la moindre peine, et qu’il dépensait aussi facilement. Du reste, c’était le plus aimable et le moins méchant des hommes, mauvais sujet sans s’en douter et seulement par gâterie.

Madame Adelaïde sentait le poids du joug et en gémissait, quand elle osait. Un soir où ma mère la reconduisait