CHAPITRE ii
Du dimanche au samedi, on vivait à Versailles dans une tranquillité horriblement ennuyeuse aux personnes qui s’arrachaient à leur société ordinaire pour venir, très mal établies, y faire leur service. Mais elle n’était pas sans intérêt pour les gens décidément établis ; c’était, en quelque sorte, une vie de château dont le commérage portait sur des objets importants. La plupart ne savaient pas s’occuper du sort du pays en suivant l’intrigue qui éloignait monsieur de Malesherbes ou amenait monsieur de Calonne aux affaires. Mais les esprits éclairés, comme celui de mon père, s’y intéressaient autrement qu’à une querelle sur la musique ou une rupture entre J.-J. Rousseau et la maréchale de Luxembourg, ce qui était alors les grands événements de la société.
Personne ne songeait à la politique générale. Si on en faisait, c’était sans s’en douter et par un intérêt privé de fortune ou de coterie. Les cabinets étrangers nous étaient aussi inconnus que celui de la Chine le peut être