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APPENDICE iii

avons fait cette excursion avec nos chevaux, l’abbé, le Général et moi en voiture, Rainulphe sur son poney. Nous avons laissé, comme ils ont dû vous le mander, mon frère et l’abbé à Canterbury ; demain, monsieur de Boigne et moi devons partir en poste à midi, dîner à Canterbery, aller aux courses et ramener nos déserteurs. De peur qu’on ne fatigue trop Rainulphe, nous lui avons laissé son poney, arrangement dont il s’est facilement consolé. Vous n’avez pas d’idée comme il est gentil à cheval avec son petit habit de hussard ! Il a fait vingt-deux milles lundi sans être fatigué et sans qu’il fût possible de le faire entrer dans la voiture où nous avions fait mettre un tabouret pour l’asseoir en cas de mauvais temps ou de fatigue : c’est un aimable enfant. — En arrivant hier, ma chère maman, j’ai trouvé votre lettre et le paquet dont je vous accuse la réception. Je suis charmée que vous soyiez à Twickenham ; mille amitiés à vos hôtes ; dites à Émilie et à Georgine que je les prie de vous égayer un peu en attendant notre retour qui, de nécessité, ne peut être fort éloigné. Si ce n’était le désir de vous revoir, je ne le souhaiterais pas beaucoup, car je me trouve très bien ici, loin des caquets et des méchants. Monsieur de Boigne s’accommode aussi mieux que je n’aurais cru du genre de vie que nous menons : il est assez monotone, car je n’ai pas fait une seule connaissance. Je vois, dans les gazettes, que Ramsgate est très gaie, mais je ne m’en douterais pas. — Je prie papa, s’il entend parler d’un cheval de femme bien doux et surtout charmant, de penser à moi : monsieur de Boigne désire m’en donner un qui réunisse toutes ces qualités, et le prix lui est indifférent. — J’attendrai la poste pour fermer ma lettre. — Depuis que je me suis interrompue, je viens de lire un livre et d’apprendre une cinquantaine de vers des Géorgiques ; vous savez comme j’aime les beaux vers, je suis enthousiasmé. — Merci, cher papa, de la lettre ; tu verras par la mienne que je n’ai pas vu les cinq ports, parce que Winchelsea est trop éloigné. — Adieu, chers amis, j’écrirai probablement demain, mais, si je n’en ai pas le temps, ne soyez pas inquiets.