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LES PRINCES DE CARIGNAN

avait plusieurs enfants qu’elle cachait très soigneusement ainsi que ses grossesses. Elle n’avouait que les deux Carignan. L’aîné était, en 1812, une grande belle fille de quinze ans, très simple, très naturelle, très bonne enfant. Le fils, dont l’enfance avait été négligée jusqu’à l’abandon, après avoir polissonné à Paris avec tous les petits garçons du quartier, était depuis quelques mois dans une pension à Genève où le roi de Sardaigne l’avait fait réclamer pour l’établir à Turin. Il était devenu un personnage important. Le Roi n’ayant que des filles et son frère étant sans enfants, le prince de Carignan se trouvait héritier présomptif de la Couronne.

Le duc de Modène, frère de la reine de Sardaigne, et marié à sa fille aînée, aurait trouvé plus simple de voir changer l’ordre de succession. L’Autriche appuyait ses prétentions ; les opinions révolutionnaires des parents et la conduite que la princesse de Carignan avait continué à tenir militaient contre le jeune prince de Carignan ; mais il était de la maison de Savoie et c’était un grand titre aux yeux du Roi. Le faire reconnaître et proclamer hautement était une des affaires les plus importantes de la mission confiée à mon père. La France a le plus grand intérêt à ce que l’Autriche n’ajoute pas le Piémont aux États qu’elle gouverne en Italie.

La princesse de Carignan désirait obtenir la permission d’aller à Turin avec sa fille. On consentait bien à recevoir et même à garder la jeune princesse, mais toutes les portes étaient barricadées contre la mère. Dès qu’elle sut la nomination de mon père, elle ne sortit plus de chez nous, ayant à chaque heure quelque nouveau motif à faire valoir pour obtenir la médiation de l’ambassadeur qui était disposé à s’occuper très activement des affaires du prince mais point du tout à obtenir le retour de la princesse dont la présence n’aurait été qu’un embarras con-