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MADEMOISELLE

commandée par son frère, officier d’artillerie dans le corps d’armée bavarois. Ces sortes d’événements n’inspirent pas la même horreur dans les familles allemandes et suisses que dans les nôtres. On y est accoutumé à voir des frères servant diverses puissances et exposés à se trouver opposés l’un à l’autre.

Mademoiselle avait quitté la France avec madame de Genlis ; elles s’étaient réfugiées dans un couvent.

Après la catastrophe de la mort de son père et madame sa mère étant en prison, la famille réclama la jeune princesse. Elle fut violemment arrachée à madame de Genlis et confiée aux soins de madame la princesse de Conti, sa grand’tante. Celle-ci, pleine d’esprit, l’appréciait, l’aimait, mais n’avait pas le courage de la protéger suffisamment pour lui éviter les persécutions auxquelles elle était en butte de toute l’émigration. On voulait lui arracher, sous forme de lettre au Roi, une profession de foi où elle renierait son père et désavouerait ses frères. On pourrait trouver dans cette lutte, qui dura trois années de la première jeunesse de Mademoiselle, l’explication de son caractère, de ses vertus tout à elle et de ce vernis d’amertume qui se montre parfois. Elle suivit sa tante en Hongrie où elles séjournèrent quelque temps.

Madame la duchesse d’Orléans, échappée aux prisons de Paris, s’établit à Barcelone. Elle ne fit aucune démarche pour se rapprocher de sa fille ; mais, après la mort de la princesse de Conti, elle fut obligée de lui ouvrir un asile. Mademoiselle y eut tellement à souffrir des inconcevables procédés de monsieur de Follemont qu’elle dut s’en plaindre à ses frères. Ils allèrent la chercher à Barcelone ; la comtesse Mélanie de Montjoie fut mise auprès d’elle et ne l’a plus quittée.

On traitait alors le mariage de monsieur le duc d’Orléans avec la princesse Amélie de Naples. Elle avait pré-