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LA DUCHESSE DOUAIRIÈRE D’ORLÉANS

son café, s’occupait de préparer sa partie et de le faire asseoir du côté où il ne venait aucun vent, « c’est la place de monsieur de Follemont », disait-elle, et elle faisait lever quiconque s’y serait placé. Enfin, elle usait de ses droits de princesse pour rendre ostensibles des attentions poussées jusqu’à la niaiserie. Racontant, au reste, dix fois par jour les services que monsieur de Follemont lui avait rendus au péril de ses jours, circonstance fort contestée par les personnes alors en France mais que la bonne duchesse croyait sincèrement.

Tout ce qui composait la Maison honorifique était bien forcé de se plier à la suprématie de monsieur de Follemont, mais c’était en clabaudant contre lui et d’autant plus que, tout en dépensant beaucoup d’argent, il tenait l’établissement sur le pied le plus bourgeois et le moins agréable aux commensaux. Je ne crois pas cependant qu’il volât madame la duchesse d’Orléans. Il administrait mal parce qu’il n’avait aucune idée de conduire un pareil revenu et ne savait pas tenir, ce qui aurait dû être, un grand état. Mais il n’avait pas d’enfant ; il regardait les biens de madame la duchesse d’Orléans comme son propre patrimoine et ne songeait pas à en rien soustraire. Il n’a laissé aucune fortune. Sa veuve a eu besoin d’une faible pension que monsieur le duc d’Orléans lui a continuée après la mort de sa mère.

On comprend que le genre de vie de madame la duchesse d’Orléans n’attirait pas beaucoup la foule : il était pénible pour les personnes attachées de cœur à cette princesse et à sa maison. Mes parents étaient de ce nombre. Mon père persista longtemps à y aller souvent, mais, petit à petit ; il n’y eut plus de place que pour les courtisans de monsieur de Follemont. Quelque attachement qu’on eût pour la princesse, ce rôle n’était pas admissible.