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MÉMOIRES DE MADAME DE BOIGNE

commandant d’une des compagnies rouges de la maison du Roi. Aussi, quelques jours après, la comtesse Charles de Damas, qui a été depuis dans l’opposition ultra la plus forcenée, me disait-elle :

« Je vois des gens qui trouvent à redire à ce qui se passe ; quant à moi, comme je suis convaincue que le Roi a beaucoup plus d’esprit et de jugement que moi et qu’il est mieux placé pour voir ce qui est bien, dès qu’il a énoncé une volonté, je l’adopte sans un instant d’hésitation. »

Je me suis rappelé cette phrase parce que je me suis donné le plaisir de la lui rétorquer textuellement en 1815, lorsqu’elle était si furieuse qu’on ne fît pas périr tous les bonapartistes sur le seul cri de haro.

La charte promulguée, les souverains étrangers partirent.

Avant l’arrivée du Roi, Monsieur avait, en sa qualité de lieutenant général du royaume, envoyé dans les provinces des commissaires chargés de pouvoirs fort importants. Ils devaient se faire rendre compte par les autorités, examiner l’état du pays, en juger l’esprit et indiquer les mesures propres à le calmer. Cette commission aurait pu être utile ; mon père fut désigné pour en faire partie. Par une erreur typographique le nom de son frère, le vicomte d’Osmond, fut porté sur la liste du Moniteur, et mon père mit d’autant plus de zèle à l’y faire maintenir que les collègues désignés en même temps, se composant pour la plupart des entours immédiats de Monsieur, lui indiquaient que la besogne serait mal et légèrement faite. Tout modeste qu’il était, il fut assez blessé de voir qu’on avait eu l’idée de le placer sur une pareille liste.

Monsieur de Talleyrand lui expliqua que, lorsque son nom y avait été porté, il comptait qu’elle serait tout autrement composée et de gens auxquels il serait possible