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NOMINATION DES PAIRS

qui formaient des obstacles insurmontables à l’arbitraire, avaient été emportées dans la tourmente révolutionnaire. Quoi qu’il en soit de leurs intentions, la France prit leur œuvre au sérieux, et elle l’a bien prouvé.

Malgré mon peu de goût pour les cérémonies, je voulus assister à la séance royale où la charte fut promulguée. Mon libéralisme fut courroucé de la manière dont on avait atténué les engagements de Saint-Ouen. La charte me sembla une mystification. Cette impression fut bien loin d’être générale ; chacun n’était occupé qu’à y chercher l’article qu’il pouvait utiliser à son profit. Je fus peu édifiée de mes compatriotes à cette occasion. Le Roi fut reçu à merveille. La cérémonie était belle, mais elle manquait de ce sérieux et de ce recueillement religieux avec lesquels un grand peuple aurait dû recevoir les tables de la loi. On était principalement occupé des nouveaux costumes, des nouvelles figures et des anciens usages redevenus nouveaux par une longue désuétude.

Lorsque le Roi termina son discours, bien fait et prononcé d’une voix imposante, par les mots de mon chancelier vous dira le reste, un sourire presque bruyant circula dans toute la salle. Après la lecture de la charte, monsieur Dambray fit celle de la liste des pairs ; il commença par les ducs et pairs de l’ancien, puis du nouveau régime. Arrivant aux pairs sénateurs, il lut entre autres les noms de monsieur le comte Cornet, monsieur le comte Cornudet avec un ton si parfaitement dénigrant et impertinent que j’en fus scandalisée et ne pus m’empêcher de dire à mes voisins :

« Voilà une singulière façon de se faire des partisans ! Ces gens auxquels on accorde une grâce considérable sont, par ce ton seul, dégagés de la reconnaissance. »

On ne fit que six nouveaux pairs, au nombre desquels se trouvait le comte Charles de Damas, déjà nommé