Page:Mémoires de la comtesse de Boigne Tome I 1921.djvu/358

Cette page a été validée par deux contributeurs.
351
COSTUME DE LA COUR

de la Reine, elle avait été admise auprès de Madame. Je suis persuadée, au contraire, que Madame avait eu l’intention de lui témoigner grande politesse, ainsi qu’à moi lorsqu’elle me désignait sous le nom d’Adèle. Mais le peu d’aménité de son ton, son parler bref, son geste brusque, son regard froid, tout s’opposait à ce que ses paroles parussent jamais obligeantes. Quelques personnes m’ont dit que, dans son intimité, ces façons maussades disparaissaient ; je n’ai jamais eu l’honneur d’y être admise.

Ces premières réceptions passées, on s’occupa à régler le costume et l’étiquette. Madame en fit une affaire des plus sérieuses. Cette préoccupation sévère, dans un pareil moment, de la longueur des barbes et de la hauteur des mantilles me parut une puérilité peu digne de la position.

Il fallait choisir un habit de cour. Madame désirait revenir aux paniers comme à Versailles ; la révolte fut tellement générale qu’elle céda. Mais on ajouta au costume impérial tout le paraphernalia de l’ancien, ce qui faisait une singulière disparate. Ainsi on attacha à nos coiffures grecques ces ridicules barbes, et on remplaça l’élégant chérusque qui complétait un vêtement copié de Van Dyck par une lourde mantille et une espèce de plastron plissé. Dans les commencements, Madame tenait à ce que cela fût strictement observé. Un modèle déposé chez ses marchandes devait être exactement [suivi] ; elle témoignait mécontentement à qui s’en écartait. Depuis, madame la duchesse de Berry s’étant affranchie de cette servitude, on avait suivi son exemple. Les barbes devenues très larges avaient pris l’apparence d’un voile et n’étaient pas sans grâce ; la mantille, en revanche, était arrivée à un degré d’exiguïté qui n’écrasait plus la toilette.

Ce point fixé, il restait à établir l’étiquette du local et