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ENTRÉE DU ROI

et la tristesse contagieuse de ces vieux guerriers donnait à cette cérémonie l’apparence des funérailles de l’Empereur bien plus que l’avènement du Roi.

Il était temps que cela finît. Le groupe des princes parut. Son passage avait été mal préparé ; cependant il fut reçu assez chaudement mais sans l’enthousiasme qui avait accompagné l’entrée de Monsieur.

Les impressions étaient-elles déjà usées ? Était-on mécontent de la courte administration du lieutenant général, ou bien l’aspect de la garde avait-il seul amené ce refroidissement ? Je ne sais, mais il était marqué.

Monsieur était à cheval, entouré des maréchaux, des officiers généraux de l’Empire, de ceux de la maison du Roi et de la ligne. Le Roi était dans une calèche, toute ouverte, Madame à ses côtés ; sur le devant, monsieur le prince de Condé et son fils, le duc de Bourbon.

Madame était coiffée de la toque à plume et habillée de la robe lamée d’argent qu’on lui avait expédiées à Saint-Ouen, mais elle avait trouvé moyen de donner à ce costume parisien l’aspect étranger. Le Roi, vêtu d’un habit bleu, uni, avec de très grosses épaulettes, portant le cordon bleu et la plaque du Saint-Esprit. Il avait une belle figure, sans aucune expression quand il voulait être gracieux. Il montrait Madame au peuple avec un geste affecté et théâtral. Elle ne prenait aucune part à ces démonstrations, restait impassible et, dans son genre, faisait la contre-partie de la garde impériale. Toutefois ses yeux rouges donnaient l’idée qu’elle pleurait. On respectait son silencieux chagrin, on s’y associait et, si sa froideur n’avait duré que ce jour-là, nul n’aurait pensé à la lui reprocher.

Le prince de Condé, déjà presque en enfance, et son fils, ne prenaient aucune part apparente à ce qui se passait et ne figuraient que comme images dans cette céré-