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ABDICATION DE L’EMPEREUR

retourner en faveur du grand homme dont les malheurs rappelaient le génie, cherchèrent à cacher leur action derrière celle du duc de Raguse. L’amour-propre national préféra crier à la trahison plutôt que d’avouer des défaites, et il fut très promptement établi dans l’esprit du peuple que le duc de Raguse avait vendu et livré successivement Paris et l’Empereur. L’un était aussi faux que l’autre.

Les maréchaux, de retour à Fontainebleau, arrachèrent par la violence l’abdication de l’Empereur ; le maréchal Ney s’empressa d’en donner avis aux Alliés, et, au retour des envoyés de Fontainebleau à Paris, le maréchal Macdonald m’a raconté que les autres furent très étonnés d’entendre le comte de Nesselrode remercier Ney de son importante communication.

Il est temps de revenir à ce qui se passait de notre côté. Le lundi, je ne vis personne d’instruit des événements, mais, le mardi matin, on vint chanter victoire chez moi. Pozzo me raconta que la journée de la veille avait été bien hasardeuse. L’Empereur était entouré de gens qui commençaient à s’effrayer de la situation d’une armée dans une ville comme Paris. Les rapports des provinces occupées n’étaient point rassurants. Les populations, opprimées par les malheurs inhérents à la guerre, étaient prêtes à se soulever. Tout ce qui était autrichien n’avait d’oreille que pour écouter ces récits et de langue que pour les répéter.

Le prince de Schwarzenberg commençait à se reprocher la proclamation dont Pozzo lui avait escamoté la signature ; évidemment il ne voulait pas prendre la responsabilité du séjour prolongé à Paris. Il s’agissait de disposer, en l’absence de l’empereur d’Autriche, du sort de sa fille et du sceptre de son petit-fils. Le roi de Prusse était, au su de tout le monde, complètement soumis à la