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MÉMOIRES DE MADAME DE BOIGNE

Quoique le maréchal Marmont ait cruellement souffert des calomnies répandues sur son compte, une fois que l’enivrement où on le tenait fut cessé, il n’avait plus pensé à cette lettre et il en avait complètement oublié l’existence. Cela seul suffit à le peindre. Probablement ce document sera publié ; je l’ai lu bien des fois.

Les maréchaux, chargés des propositions de Fontainebleau, se présentèrent à neuf heures chez l’empereur Alexandre qui refusa de traiter sur tout autre pied que l’abdication pure et simple de Napoléon. Il fit valoir la défection qui commençait à s’établir dans l’armée française comme un argument péremptoire. Les maréchaux, qui en étaient restés sur la première nouvelle apportée par Fabvier, protestèrent de la fidélité de l’armée. L’Empereur sourit et leur dit que le corps de Marmont était en pleine marche pour se rendre à Versailles. Les maréchaux partirent sans avoir revu leur camarade Marmont. Ils ne trouvèrent plus trace de son corps d’armée sur la route de Fontainebleau.

Je me suis étendue sur ce récit, d’abord parce que les faits en ont été dénaturés par l’esprit de parti, ensuite parce que je crois que personne ne les sait mieux que moi. Dans l’intention que j’ai déjà indiquée, j’ai réuni tous les témoignages et tous les documents, et j’ai pris le soin de voir comment ils pouvaient coïncider entre eux pour ne rien avancer qui pût être disputé avec quelque ombre de fondement. Peut-être ai-je une connaissance plus nette et plus claire de cette affaire que le maréchal lui-même qui a commencé par la croire sincèrement un sujet d’éloge et ne s’est aperçu de son erreur que lorsqu’il a été assailli d’atroces calomnies. Il a eu le nouveau tort de trop les mépriser.

Les chefs qui ont agi de violence contre l’Empereur à Fontainebleau, voyant le torrent de l’opinion populaire