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LES COSAQUES AUX CHAMPS-ÉLYSÉES

et en préparaient de neuves, réparaient leurs chaussures, les harnais de leurs chevaux ou façonnaient à leur usage leur part du pillage des jours précédents. C’étaient cependant les cosaques réguliers de la garde, et, comme ils ne faisaient que rarement le service d’éclaireurs, ils étaient moins heureux à la maraude que leurs frères, les cosaques irréguliers.

Leur uniforme était très joli : le large pantalon bleu, une tunique en dalmatique également bleue, rembourrée à la poitrine et serrée fortement autour de la taille par une large ceinture de cuir noir verni, avec des boucles et ornements en cuivre très brillants, qui portaient leurs armes. Ce costume semi-oriental et leur bizarre attitude à cheval, où ils sont tout à fait debout, l’élévation de leur selle les dispensant de plier les genoux, les rendaient un objet de grande curiosité pour le badaud de Paris. Ils se laissaient approcher très facilement, surtout par les femmes et les enfants qui étaient positivement sur leurs épaules.

J’ai vu des femmes prendre leur ouvrage dans leurs mains pour mieux examiner comment ils travaillaient. De temps en temps, ils s’amusaient à faire une espèce de grognement ; les curieuses reculaient épouvantées. Alors ils poussaient des cris de joie et faisaient des éclats de rire auxquels prenaient part celles qu’ils avaient alarmées. Ils se laissaient moins approcher par les hommes ; mais ils ne les éloignaient que par un geste calme et doux de la main accompagné d’un mot qui, probablement, répondait à Au large, de nos sentinelles. Il est évident que personne ne s’exposait à braver cette consigne. Elle n’était pas complètement rigoureuse, car, si un homme se trouvait avec des femmes ou des enfants, ils n’y faisaient pas attention.

Il y avait bonne raison pour qu’ils se tinssent près de