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ENTRÉE DES ALLIÉS

dons tout de suite la justice aux jeunes gens de la hardie promenade du matin qu’ils se refusèrent à cette sotte entreprise, et que Sosthène ne trouva pour l’accompagner que des Maubreuil, des Sémallé et autres aventuriers de cette espèce.

J’ai oublié de dire que le comte de Nesselrode m’avait fait avertir par le prince Nikita qu’il me demandait à dîner pour ce jour-là. J’avais engagé le prince à venir aussi. J’aperçus sur le boulevard quelques personnes que j’étais bien aise de réunir à ces messieurs ; mais, fidèle à la promesse donnée à mon père, j’allai moi-même dans la rue pour le leur proposer. Je ne me rappelle positivement que de monsieur de Chateaubriand, d’Alexandre de Boisgelin et de Charles de Noailles.

Nous étions tous réunis lorsque le prince Wolkonski et un de ses camarades, Michel Orloff, arrivèrent : ils m’apportaient un billet de monsieur de Nesselrode. En s’excusant de ne pouvoir venir, il m’envoyait à sa place un papier qui, disait-il, obtiendrait facilement son pardon, en attendant que lui-même vînt le chercher le soir. C’était la déclaration qu’on allait afficher et qui annonçait l’intention des Alliés de ne traiter ni avec l’Empereur, ni avec aucun individu de sa famille. Elle était le résultat de la conférence tenue chez monsieur de Talleyrand au moment où l’empereur Alexandre y était arrivé. Il l’avait commencée par ces mots :

« Hé bien ! nous voilà dans ce fameux Paris ! C’est vous qui nous y avez amenés, monsieur de Talleyrand. Maintenant il y a trois partis à prendre : traiter avec l’empereur Napoléon, établir la Régence ou rappeler les Bourbons.

— L’Empereur se trompe, répondit monsieur de Talleyrand ; il n’y a pas trois partis à prendre, il n’y en a qu’un à suivre et c’est le dernier qu’il a indiqué. Tout