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MÉMOIRES DE MADAME DE BOIGNE

« Je pars, chère Félicité, je vais affronté un élément moins agité que ce cœur qui ne battra jamais que pour vous. »

Ce billet était fermé par un cachet qu’elle lui avait donné et qui portait : Friendship, esteem and eternal love.

Philippe de Ségur partit immédiatement pour Boulogne, mais il ne put trouver aucune trace de son frère. Il était pourtant à bord d’une des péniches où Philippe le cherchait, mais il jouait si parfaitement son rôle de soldat qu’aucun de ses camarades ne soupçonna son travestissement. Il suivit la grande armée en Allemagne ; plusieurs années s’écoulèrent ; un second billet fut remis chez madame de Ségur, il portait seulement les paroles gravées sur le cachet, écrites de la main d’Octave.

Ce fut le seul signal de son existence. Après s’être désespérée, madame Octave avait fini par se laisser consoler, par partager même des sentiments vifs qu’elle inspira. Ses trois fils n’en étaient pas moins son premier intérêt ; elle veillait sur eux avec la tendresse la plus éclairée.

Octave, ayant été fait prisonnier et mené dans une petite ville au fond de la Hongrie, n’y apprit que fort tard la nouvelle de la mort d’Étienne de Choiseul, tué à la bataille de Wagram. Il eut alors le désir de revoir sa patrie. Ses démarches pour obtenir sa liberté n’eurent pas un succès assez prompt pour que les événements ne les devançassent pas ; la paix les rendit inutiles, et il revint en France en 1814.

Sa femme fut désolée de ce retour qui rompait une liaison à laquelle elle tenait depuis plusieurs années. Soit qu’Octave en fût averti à son arrivée, soit qu’il se craignît lui-même, il voulut rester avec sa femme sur le pied de la simple amitié, réservant pour ses fils la chaleur de