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LA DUCHESSE DE DURAS

complets ; madame de Duras en périssait de jalousie ; madame de Bérenger en prit son parti en s’entourant d’autres illustrations. Les madames du second ordre ne portaient pas leurs prétentions si haut. Les personnes admises à la familiarité de madame de Lévis la trouvaient aimable et jolie : elle était laide et maussade vue à une distance que je ne me suis jamais sentie tentée de franchir.

Madame de Duras était fille de monsieur de Kersaint, le conventionnel. Sa mère et elle avaient passé dans leur habitation de la Martinique les années de la tourmente révolutionnaire. En amenant à Londres une grande fille de vingt-deux ans, point jolie, madame de Kersaint trouva son mariage à peu près convenu d’avance avec le duc de Duras, réduit à un état de pénurie qui le mettait dans la dépendance, assez durement imposée, du prince de Poix son oncle. La fortune de mademoiselle de Kersaint, sans être très considérable, se trouvait fort à la convenance de monsieur de Duras. À peine débarquée il l’épousa, et elle l’adora pendant longtemps.

Monsieur de Duras était premier gentilhomme de la chambre du Roi ; le service se faisait par années et, pendant les commencements de l’émigration, les titulaires ne manquaient pas de se rendre à leur poste. Monsieur de Duras avait déjà fait son service une fois près de Louis XVIII ; son année revenait peu de temps après son mariage. Monsieur de Duras partit de Londres, avec sa femme, pour se rendre à Mitau. Arrivé à Hambourg, il y reçut un avis officiel portant que le Roi consentait à recevoir monsieur de Duras au droit de sa charge, malgré son mariage, mais que la fille d’un conventionnel ne pouvait s’attendre à être admise auprès de madame la duchesse d’Angoulême. Madame de Duras était formellement exclue de Mitau. Malgré quelques ridicules, monsieur