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MÉMOIRES DE MADAME DE BOIGNE

« Je suis bien malheureuse ; aussitôt que j’en aime un, il s’en trouve un autre qui me plaît davantage. » Ses choix furent aussi honteux par leur qualité que par leur nombre. Elle était tombée dans un tel désordre que son attachement pour monsieur de Chateaubriand fut presque une réhabilitation.

Cette liaison était dans toute sa vivacité lorsque monsieur de Chateaubriand partit pour la Terre Sainte ; les deux amants se donnèrent rendez-vous à la fontaine des Lions de l’Alhambra. Madame de X…, n’avait garde de manquer une entrevue si romanesque. Elle s’y trouva au jour indiqué. Pendant l’absence de monsieur de Chateaubriand, elle avait laissé tromper ses inquiétudes par les soins assidus du colonel L… Tandis qu’elle attendait le pèlerin de Jérusalem à Grenade, elle y apprit la mort du colonel. De sorte que, lorsque monsieur de Chateaubriand arriva, préparant des excuses pour son retard et des hymnes sur l’exactitude de sa bien-aimée, il trouva une femme en longs habits de deuil et pleurant avec un extrême désespoir la mort d’un rival heureux en son absence. Tout le voyage en Espagne se passa de cette façon, monsieur de Chateaubriand mêlant le rôle de consolateur à celui d’adorateur.

Il place à cette époque son refroidissement pour madame de X… Toutefois, leur liaison dura encore longtemps.

La publication de l’Itinéraire donna un nouveau lustre au talent populaire de monsieur de Chateaubriand et augmenta le désir que plusieurs personnes avaient de le voir. Il en profita pour replacer madame de X… dans une meilleure situation. Il établit que, par elle seule, on arriverait à lui et fit trêve à sa sauvagerie. Il faut lui en tenir compte, car c’était uniquement dans l’intérêt de madame de X… On lui rendit des soins pour attirer mon-