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UNE AMIE DE CHATEAUBRIAND

lui donner un soupir. Ainsi il a à peine consenti à tracer un article bien froid dans une gazette pour honorer les cendres de madame de Duras qui, pendant douze ans, n’avait vécu que pour lui.

Je pourrais ajouter bien des noms à cette liste, car Monsieur de Chateaubriand a toujours eu la plus grande facilité à se laisser adorer sans se mettre en peine des chagrins qu’il doit causer. De toutes ses amies, celle qui a tenu le plus de place dans son cœur est, je crois, madame C…, de X…, devenue duchesse de Z… L’histoire de cette pauvre femme se rattache aux mœurs qui existaient avant la Révolution et que, dans les derniers temps, on aurait voulu nous faire regretter.

Mademoiselle de Y…, aussi charmante et aussi accomplie qu’on puisse imaginer une jeune personne, épousa en 1790, grâce à l’immense fortune à laquelle elle était destinée, C… de X…, fils aîné du prince de ***. Sans avoir la distinction d’esprit de sa femme, il n’en manquait pas, était parfaitement beau et encore plus à la mode. Le nouveau ménage fit sensation lors de sa présentation aux Tuileries, malgré la gravité des événements à cette époque.

Bientôt les orages révolutionnaires les séparèrent, Monsieur de X… émigra ; sa femme, grosse, resta dans sa famille dont incessamment elle partagea les malheurs. Elle l’accompagna dans les prisons où elle fut l’ange tutélaire de ses parents, entre autres de la vieille maréchale de Z…, la grand’mère de son mari. Elle la servit comme une fille et comme une servante jusqu’au jour où l’échafaud l’arracha à ses soins. Elle vit périr son propre père et consola sa mère, enfin elle réunit sur sa tête l’admiration et la vénération de toutes les personnes renfermées avec elle.

Dès que les prisons s’ouvrirent, son premier vœu fut