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MÉMOIRES DE MADAME DE BOIGNE

cérémonie où on administrait le sacrement du mariage resta vide.

Je crois que, si cela eût dépendu uniquement du cardinal Consalvi, il eût cherché quelque accommodement. Mais plusieurs de ses collègues étaient plus chauds et moins raisonnables que lui ; et la situation de tout détenteur du patrimoine de Saint-Pierre est si positivement spécifiée comme excommunié vitando par les lois de l’Église qu’il n’y avait pas moyen de les éluder dès qu’elles étaient invoquées.

De son côté, l’Empereur voulait l’emporter de haute lutte ; sa fureur en voyant inoccupé le banc des cardinaux fut excessive. Quelques-uns furent envoyés dans des forteresses, d’autres, et Consalvi fut du nombre, obligés de retourner dans les villes fixées pour leur exil. Je ne me rappelle plus si c’est à ce moment ou avant qu’ils eurent la défense de porter les bas et la calotte rouge, d’où leur est venue l’appellation de cardinaux noirs qui les a distingués pendant tout le cours de ces querelles dogmatico-politiques.

Le court séjour que le cardinal Consalvi fit à Paris renoua fortement les liens d’amitié qui existaient entre nous et, si mes souvenirs d’enfance avaient été froissés en retrouvant le cardinal Maury, je fus en revanche enchantée de son collègue. Mon opposition au régime impérial était certainement fort entachée d’esprit de parti, cependant j’ai toujours été accessible aux raisonnements qui portaient un caractère d’impartialité. Et j’étais touchée et édifiée de voir le cardinal Consalvi, dans sa position d’homme persécuté, parler avec tant de douceur, se lamenter des violences où il se trouvait entraîné et chercher de si bonne foi les moyens de les éviter.

Il eut plusieurs conférences avec le ministre des