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L’EMPEREUR VEUT ÊTRE GRACIEUX

zaine de femmes de l’opposition et nous étions forcées de convenir que le coup d’œil était magnifique. C’était la seule fois que j’aie vu une fête où les hommes fussent en habit à la française. Les uniformes étaient proscrits ; nos vieux militaires avaient l’air emprunté, mais les jeunes, et surtout monsieur de Flahaut, rivalisaient de bonne grâce avec Archambault de Périgord. Les femmes étaient élégamment et magnifiquement parées.

L’Empereur, suivi de son cortège, traversa la salle en arrivant, pour se rendre à l’estrade qui occupe le fond. Il marchait le premier et tellement vite que tout le monde, sans excepter l’Impératrice, était obligé de courir presque pour le suivre. Cela nuisait à la dignité et à la grâce, mais ce frou-frou, ce pas de course, avaient quelque chose de conquérant qui lui seyait. Cela avait grande façon dans un autre genre.

Il paraissait bien le maître de toutes ces magnificences. Il n’était plus affublé de son costume impérial ; un simple uniforme, que lui seul portait au milieu des habits habillés, le rendait encore plus remarquable et parlait plus à l’imagination que ne l’auraient pu faire toutes les broderies du monde. Il voulut être gracieux et obligeant, et me parut infiniment mieux qu’à l’autre bal. L’impératrice Marie-Louise était un beau brin de femme, assez fraîche, mais un peu trop rouge. Malgré sa parure et ses pierreries, elle avait l’air très commun et était dénuée de toute physionomie. On exécuta un quadrille dansé par les princesses et les dames de la Cour dont plusieurs étaient de nos amies. Je vis là la princesse Borghèse qui me parut la plus ravissante beauté que j’eusse jamais envisagée ; à toutes ses perfections elle joignait l’aspect aussi candide, l’air aussi virginal qu’on puisse le désirer à la jeune fille la plus pure. Si on en croit la chronique, personne n’en eut jamais moins le droit.