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MÉMOIRES DE MADAME DE BOIGNE

Dans notre sot esprit de parti, cette impertinence nous charma.

Elle me rappelle un propos d’une sentinelle, tenu quelques années après, dans un moment où la Cour impériale était encombrée de souverains. Le fonctionnaire, s’adressant à un cocher de remise arrêté dans la cour des Tuileries, lui cria :

« Holà, ôte-toi ! Si ton maître n’est pas roi, tu ne peux pas stationner là. »

L’Empereur n’avait pas répugnance à cette histoire, car, parmi ces rois qu’on traitait ainsi, il y en avait de vrais.

J’ai souvent vu l’empereur Napoléon au spectacle et passer en voiture, mais seulement deux fois dans un appartement.

La ville de Paris donna un bal à l’occasion du mariage de la princesse de Bade. L’Empereur voulut le rendre, et des billets pour un bal aux Tuileries furent adressés à beaucoup de personnes non présentées. Nous fûmes quelques jeunes femmes à en recevoir sans avoir assisté à celui de l’Hôtel de Ville. Conseil tenu, nous convînmes devoir nous y rendre.

On dansait dans la galerie de Diane et dans la salle des Maréchaux. Le public y était parqué suivant la couleur des billets ; le mien me fixa dans la galerie de Diane. On ne circulait pas ; la Cour se transporta successivement d’une pièce dans l’autre. L’Impératrice, les princesses, leurs dames, leurs chambellans, tout cela très paré, entra à la suite de l’Empereur et vint se placer sur une estrade préparée d’avance. Après avoir regardé danser une espèce de ballet, l’Empereur en descendit seul et fit la tournée de la salle, s’adressant exclusivement aux femmes. Il portait son costume impérial (auquel il a promptement renoncé), la veste, la culotte en satin blanc,