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MÉMOIRES DE MADAME DE BOIGNE

telli, cadet de la maison d’Egmont. Je ne sais si ce mariage se serait accompli, mais la mort enleva le prétendu. Depuis, l’impératrice Joséphine lui parla successivement du prince Aldobrandini qu’on ferait roi de Portugal, du duc de Medina-Sidonia ; elle eut un moment d’inquiétude au sujet du prince de Neufchâtel. Enfin, pendant le printemps de 1808, elle m’avait entretenue de la crainte d’être forcée à épouser le prince Bernard de Saxe-Cobourg qu’elle trouvait un peu trop tudesque.

Au milieu de l’été, sa sœur, madame de Fitz-James, expira dans mes bras, d’une longue maladie, suite des chagrins que son mari lui avait causés. Il s’avisa de la regretter amèrement et sincèrement, je crois, lorsqu’il n’était plus temps de la sauver. Sa dernière parole fut pour me recommander sa mère ; je l’emmenai à Beauregard avec Fanny. Ce même jour, l’Impératrice arrivait de Marsac ; malgré son deuil, Fanny alla le surlendemain à Saint-Cloud. Elle en revint désespérée ; l’Impératrice lui avait nommé le général Bertrand comme l’époux que l’Empereur lui destinait.

La chute était grande et elle en sentait la profondeur. Elle était toute en larmes lorsque l’Empereur entra chez l’Impératrice. Elle osa lui reprocher de l’avoir trompée dans ses espérances et, s’animant par degré, elle arriva à lui dire :

« Quoi, Sire, Bertrand ! Bertrand ! singe du Pape en son vivant ! »

Ce mot scella son sort ; l’Empereur lui dit sèchement :

« Assez, Fanny », et sortit de l’appartement.

L’Impératrice s’engagea à tâcher de le ramener à d’autres idées ; elle-même trouvait Bertrand trop peu important pour épouser une parente qu’elle protégeait spécialement. Elle lui promit une réponse pour la fin de la semaine. La pauvre Fanny passa l’intervalle dans les