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MÉMOIRES DE MADAME DE BOIGNE

prison de Marseille. Elle leur confia un enfant qu’elle avait eu : il fut élevé par eux à l’étranger sous le nom de chevalier d’Orléans ; il mourut fort jeune.

Une anecdote peu connue, c’est que monsieur de Talleyrand eut fort le désir d’épouser madame de Buffon. Sa tante, la vicomtesse de Laval, s’employa vivement à cette négociation, sans pouvoir vaincre sa répugnance à devenir la femme d’un évêque. Elle était tombée dans une grande pénurie. Un suisse, monsieur Renouard de Bussière, homme très agréable, lui adressa ses hommages qu’elle accepta. Leur union ne fut pas longue ; il mourut lui laissant un fils. Lorsque je l’ai connue, elle était veuve et vivait dans une retraite absolue, uniquement occupée de cet enfant ; elle a eu le bonheur de pouvoir le recommander à monsieur le duc d’Orléans avant de mourir.

Ce prince professait, à juste titre, une grande reconnaissance pour madame de Renouard et a toujours protégé son fils. Des anciens rapports de mes parents avec sa famille leur firent forcer la solitude de madame de Renouard. Lorsqu’elle était à son aise, elle était très spirituelle, parfaitement aimable et très intéressante sur ce qu’elle avait vu mais dont elle parlait rarement et mal volontiers. Elle conservait des restes de beauté et surtout d’agrément.

Madame Récamier vint passer quelques jours chez moi à Beauregard où je recevais beaucoup de monde. Je lui rendis sa visite à Clichy ; elle y était dans la complète sécurité d’une prospérité établie, lorsque, peu de jours après, éclata la banqueroute de son mari. Quoique je n’eusse avec elle que des rapports de société assez froids, ce n’était pas le cas d’y renoncer ; j’allai la voir avec empressement. Je la trouvai si calme, si noble, si simple dans cette circonstance, l’élévation