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MÉMOIRES DE MADAME DE BOIGNE

Quelques jours après, madame Dillon me dit que l’Impératrice faisait monter une parure de très beaux camées qu’elle voulait me donner. Je la priai de m’éviter ce cadeau en lui représentant que les plumes avaient été données à elle, madame Dillon, et non offertes à l’Impératrice. Après une nouvelle visite à Saint-Cloud, elle m’assura avoir vainement essayé de faire ma commission. L’Impératrice avait paru tellement blessée qu’il lui avait été impossible d’insister. La parure me serait remise sous peu de jours.

Mon frère alla faire sa cour le dimanche suivant. L’Impératrice le chargea de me remercier, vanta la beauté la rareté des plumes, et lui dit :

« Je n’ai rien d’autre rare à lui offrir ; mais je la prierai d’accepter quelques pierres auxquelles leur travail antique donne du prix. »

Mon frère s’inclina. À son retour à Beauregard, il n’eut rien de plus pressé que de me raconter cette conversation ; nous tînmes conseil de famille pour savoir comment je recevrais cette faveur. De refuser il n’était pas possible ; nous convenions même, malgré nos préventions, que le choix du cadeau était de très bon goût. Écrirai-je ? demanderai-je une audience pour remercier ? Cela entraînerait-il la nécessité d’une présentation ?

Tout cela me donnait une inquiétude et une agitation que j’aurais pu m’épargner, car, depuis ce jour, je n’ai entendu parler de rien, ni de plumes, ni de pierres, ni de quoi que ce soit. Des personnes qui connaissaient bien l’impératrice ont pensé que, lorsque l’écrin lui a été reporté, elle a trouvé son contenu si joli qu’elle n’a pas eu le courage de s’en séparer dans le premier moment de la fantaisie. Un mois après, elle l’aurait donné très volontiers, mais le moment était passé.

Mon grand-oncle, l’ancien évêque de Comminges, était