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MÉMOIRES DE MADAME DE BOIGNE

branche de Montmorency-Laval. Son frère Eugène est le plus désagréable personnage qu’on puisse rencontrer ; il cache sous une dévotion puérile et intolérante l’égoïsme le plus déhonté.

J’avais entendu la comtesse de Vaudreuil dire « nous autres jolies femmes », mais il était réservé à Eugène de Montmorency, je crois, d’inventer l’expression de « nous autres saints », et je l’ai entendu s’en servir. Son cousin Mathieu avait une dévotion toute différente ; j’aurai occasion d’en parler plus tard.

La princesse de Guéméné avait quatre enfants, le duc de Montbazon, marié à mademoiselle de Conflans, le prince Louis de Rohan qui a été le premier des nombreux maris de l’aînée des filles du duc de Courlande (elle a fini par s’appeler la duchesse de Sagan et ne plus changer de nom aussi souvent que d’époux), le prince Victor de Rohan, et la princesse Charles de Rohan-Rochefort.

Je me liai assez intimement avec la princesse Berthe, fille du duc de Montbazon ; elle était revenue en France avec sa mère pour soigner les derniers moments de la marquise de Conflans et, quoique déjà mariée à son oncle Victor, Berthe, par des motifs de fortune, passait pour fille. Elle était très aimable, spirituelle, bonne, agréable sans être jolie ; elle me plaisait extrêmement et probablement notre liaison serait devenue de l’amitié sans son départ pour la Bohême où elle s’est établie. Sa tante, la princesse Charles de Rohan-Rochefort, proclamait dans sa jeunesse le projet de montrer au monde un spectacle qu’il n’avait jamais vu, celui d’une princesse de Rohan honnête femme. Mais il était réservé à la nièce de l’accomplir et la pauvre princesse Charles, au contraire, est tombée dans tous les désordres imaginables. Si d’avoir été la femme d’un misérable est une excuse,