Page:Mémoires de la comtesse de Boigne Tome I 1921.djvu/195

Cette page a été validée par deux contributeurs.
188
MÉMOIRES DE MADAME DE BOIGNE

ville. Malgré son grand commerce, elle m’a paru horriblement triste. Je m’arrêtai à Utrecht ; j’y pris une voiture du pays pour aller voir l’établissement morave et le camp que le général Marmont commandait dans la plaine de Zeist. Je trouvai que ces frères si heureux dans le conte de madame de Genlis, dont ma mémoire gardait un souvenir d’enfance, avaient l’air pâles, tristes et ennuyés. J’achetai quelques babioles, et il s’éleva une querelle entre eux. L’un affirmait que les objets de son travail avaient une supériorité que l’autre lui contestait. Je partis peu édifiée. En revanche, je le fus beaucoup de l’aspect du camp français. Je venais d’en visiter en Angleterre, et ils étaient loin de présenter un spectacle aussi brillant et aussi animé ; cependant les soldats français avaient moins bonne mine individuellement et n’étaient pas si bien vêtus.

Je vis passer la calèche du général Marmont où était sa femme très parée, coiffée en cheveux et sans fichu. Les postillons avaient des vestes couvertes de galons d’or ; la calèche était dorée, mais malpropre et mal attelée. Tout cela me parut en total un équipage fort ridicule, y compris madame la générale. Je m’en amusai ; c’était bien comme je l’avais prévu.

Après une absence de dix jours, je revins à la Haye ; j’y trouvai des lettres de mes oncles. Monsieur de Boigne, ayant mal calculé le moment de mon arrivée, était parti pour la Savoie. On m’annonçait que je trouverais mes passeports à Anvers. Je passai une soirée chez madame de Bezerra pour prendre congé de la société de la Haye ; monsieur de Sémonville y vint ainsi que toutes les autorités hollandaises et, le lendemain, je partis.

On m’avait fait peur de la sévérité des douaniers, et j’étais d’autant plus effrayée d’avoir affaire à des commis français que mes rapports avec ceux de l’Allien-Office,