Page:Mémoires de la comtesse de Boigne Tome I 1921.djvu/170

Cette page a été validée par deux contributeurs.
163
MORT DE LA DUCHESSE DE GUICHE

gneur du pays. Ennuyé à mort de cette sujétion, il voulut avoir un aumônier. Madame de Polastron écrivit à madame de Laage de lui chercher un prêtre pour dire la messe, d’une classe assez inférieure pour qu’il ne pût avoir prétention à l’entrée du salon, l’intention de Monseigneur étant qu’il mangeât avec ses valets de chambre.

Madame de Laage s’adressa à monsieur de Sabran. Il lui dit :

« J’ai votre affaire, un petit prêtre, fils d’un concierge de chez moi. Il est jeune, point mal de figure ; je ne le crois difficile en aucun genre, et il n’y aura pas à se gêner avec lui. »

On expliqua à l’abbé Latil ce dont il s’agissait ; il accepta avec joie, et on l’emballa dans le coche pour Édimbourg où il s’établit sur le pied convenu.

La duchesse de Guiche, après quelques aventures, avait fini par s’attacher plus sérieusement à monsieur de Rivière, simple écuyer du Roi. La liberté de l’émigration l’avait rapproché d’elle ; il lui était fort dévoué. Elle quitta la Pologne où elle était près de son père, le duc de Polignac, vint à Londres, fut envoyée en France par monsieur le comte d’Artois pour lier une intrigue avec le Premier Consul, échoua, retourna en Allemagne, repassa à Londres, et finalement arriva à Holyrood, déjà fort souffrante. Le mal empira ; monsieur de Rivière accourut.

Mais l’abbé Latil n’avait pas perdu son temps ; il s’était emparé de la confiance de la duchesse, et la dominait entièrement. Monsieur de Rivière ne fut admis qu’à partager la conversion opérée dans l’esprit de la malade ; il entra dans tous ses sentiments, renonça à ceux qui pouvaient lui déplaire, et fut le premier à adopter cette vie de dévotion puérile et mesquine qui est devenue le type de la petite Cour de monsieur le comte d’Artois.