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MÉMOIRES DE MADAME DE BOIGNE

déjà envers lady Kingston, et tirer en l’air aurait arrêté le duel dont il espérait la mort. Il n’y avait nulle possibilité de continuer ce système de vengeance devant témoins. On en prépara un autre.

Mary approchait du moment où elle devait mettre au monde un être sur le sort duquel on l’effrayait sans cesse. Les menaces la trouvaient impassible pour elle-même, mais non pour son enfant. La femme qui la gardait fit mine de s’adoucir. Elle s’offrit à sauver le pauvre innocent, si quelqu’un pouvait s’en charger, dès qu’elle l’aurait fait sortir du château. Elle saurait bien tromper jusque-là la surveillance de mylord. Mary n’avait que Fitz-Gerald pour providence. La femme promit de faire passer une lettre. Mary écrivit à Fitz-Gerald d’envoyer une personne sûre au village voisin pour enlever leur enfant.

La lettre fut soumise à l’inspection de lord Kingston. Il connaissait assez Fitz-Gerald pour être sûr qu’il ne se fierait qu’à lui-même d’un pareil soin. En effet, il arriva seul, à pied, déguisé, dans le lieu qu’on lui avait indiqué. Le lendemain, au point du jour, lord Kingston et ses deux fils entrèrent dans la chambre où il gisait sur un misérable grabat. On dit qu’on lui offrit un pistolet ; ce qu’il y a de sûr c’est que, dans cette chambre il périt. La lettre de Mary, trouvée sur lui ainsi qu’une miniature d’elle, furent apportées à la malheureuse, toutes couvertes du sang de la victime ; et ses frères se vantèrent de la ruse qui avait employé sa main pour faire tomber leur vengeance sur la tête de Fitz-Gerald.

Lady Mary Kingston accoucha d’un enfant mort et devint folle tellement furieuse qu’il fallut user de force vis-à-vis d’elle. Ces accès étaient entremêlés d’une espèce d’imbécillité apathique, mais la vue d’un membre de sa famille ramenait les crises de violence. Le public