Page:Mémoires de la comtesse de Boigne Tome I 1921.djvu/158

Cette page a été validée par deux contributeurs.
151
LADY MARY KINGSTON

Elle obtint de voir madame Fitz-Gerald et s’attendrit beaucoup avec elle, en lui recommandant d’aller au secours de son mari. Celle-ci ne demandait pas mieux ; elle l’aurait reçu à bras ouverts. Elle s’annonça comme porteur des paroles de Mary. Mais, en la remerciant avec effusion, il lui répondit que, sa vie ne pouvant plus être utile au bonheur de personne, il la consacrait à la malheureuse victime qu’il avait entraînée dans le précipice. Il lui devait la triste consolation de savoir que les larmes de sang qu’il versait sur son sort ne tariraient jamais.

Longtemps après la catastrophe, madame Fitz-Gerald m’a montré cette correspondance, car elle ne s’en tint pas à une seule démarche, et la pauvre femme n’avait d’invectives que pour les persécuteurs de Mary et de Fitz-Gerald.

Dans ses préparatifs de départ, il avait fait entrer toutes les précautions pour assurer le sort de sa femme ; il les compléta, envoya sa démission au général en chef, et se retira dans un petit village aux environs de Londres. Avant le départ de Mary, il lui avait fait remettre par madame Fitz-Gerald un petit billet ouvert où il lui donnait son adresse et où il lui disait que, dans cette retraite, il attendrait toute sa vie les ordres qu’elle pourrait avoir à lui donner, mais ne chercherait aucune communication avec elle qui pût aggraver sa position.

Lady Mary fut emmenée dans une résidence abandonnée que son père possédait en Connaught, sur les bords de l’Atlantique, dans un pays presque sauvage, et remise aux soin de deux gardiens dévoués à lord Kingston.

Son frère appela Fitz-Gerald en duel ; celui-ci reçut trois fois le feu de son adversaire, le rendant très exactement. Mais on s’aperçut qu’il trouvait le moyen d’extraire la balle de son pistolet ; il fut forcé d’en convenir. Il ne voulait pas, disait-il, ajouter aux torts qu’il avait