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LADY MARY KINGSTON

cerait à ne chanter que du gaélique, pour avoir sa revanche. Lady Mary s’y prêtait d’autant meilleure grâce qu’elle y réussissait admirablement, et ils chantaient ensemble des mélodies irlandaises dans la plus grande perfection.

Hélas ! plût au ciel que ces soirées si douces et qui n’avaient d’autres témoins que mon père et ma mère eussent été aussi innocentes pour ces pauvres jeunes gens que pour moi ! Je suis persuadée que la passion de Mary a précédé celle qu’elle a inspirée au colonel. Elle ne s’en doutait pas, et lui n’a pas prévu le danger qu’ils couraient.

Lady Kingston fut rappelée subitement en Irlande par la maladie d’un de ses fils. Ne voulant pas exposer lady Mary, dont la santé était un peu altérée, à la fatigue d’un voyage rapide, elle partit seule, chargeant le colonel de lui amener Mary plus à loisir. C’est dans ce fatal voyage qu’ils succombèrent tous deux à la passion qui les dominait. Je dis tous deux, car je crois fermement que Fitz-Gerald n’était pas plus le séducteur de Mary qu’elle n’avait eu l’idée de l’entraîner à ce coupable abus de confiance.

Il resta en Irlande pendant le séjour qu’y fit lady Kingston et ne revint à Londres qu’avec elle et sa fille. Mon mariage eut lieu pendant cette absence. Mary et moi nous écrivions, mais la correspondance avait cessé de sa part. À son retour à Londres, elle ne voulait voir personne, je ne pus arriver jusqu’à elle. J’étais sur le continent lorsque les alarmes que donnaient son dépérissement et sa profonde tristesse décidèrent sa mère à l’envoyer prendre l’air et se distraire chez son amie, lady Harcourt.

Un matin, Lady Mary ne parut pas à déjeuner ; on la chercha sans la trouver ; son chapeau et son shall au bord