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MONSIEUR LE DUC DE BOURBON

titulaire de l’évêché d’Arras. Les fureurs de son patron et prédécesseur furent poussées jusqu’à la frénésie contre ce misérable prestolet. Il ne le désignait plus autrement.

Il y aurait bien des pages à écrire sur cette famille Vaudreuil, mais elles seraient peu amusantes et encore moins édifiantes. Il faut pourtant excepter madame de Serant-Walsh, la fille aînée, personne de mérite, qui a été une des premières dames de l’impératrice Joséphine. Elle était très remarquablement instruite, assez spirituelle, et l’Empereur se plaisait à causer avec elle, dans le temps où il causait encore. Elle et madame de Rémusat lui ont souvent fait arriver des vérités utiles pour lui et pour les autres.

Les créanciers de monsieur le comte d’Artois devinrent plus importuns, et il fut obligé d’aller rechercher la protection des murs du palais d’Holyrood, à Edimburg, où ils ne pouvaient l’atteindre. Il y séjourna jusqu’à ce qu’un bill du parlement anglais eut décidé que les dettes contractées à l’étranger ne pourraient entraîner prise de corps.

Il ne resta de prince à Londres que monsieur le duc de Bourbon qui a péri si misérablement à Saint-Leu, fin trop digne de sa vie. Son père, s’étant aperçu qu’il entendait le bruit des balles sans s’y plaire, l’avait expulsé de l’armée de Condé où, entre deux générations de héros, il soutenait bien mal le beau nom de Condé. Ce n’était pas un mauvais homme ; il était doux et facile dans son intérieur. Peut-être son inconduite tenait-elle principalement à une timidité organique qui lui rendait insupportable l’existence de prince ; il n’était à son aise que dans les classes assez peu élevées pour qu’il n’y trouvât aucun respect. Son goût vif pour les femmes, se trouvant réuni à sa répugnance pour les salons, le jetait dans une vie des moins honorables.