ment, et accompagnait ses lectures de commentaires très intéressants. C’est à lui que je dois mon goût pour la littérature anglaise et le peu de connaissance que j’en ai acquise.
L’été, il retrouvait de la santé ; son adresse et son agilité devenaient incroyables. Il avait été très beau dans sa jeunesse, mais il était devenu fort gros et paraissait plus vieux que son âge, du moins à mes yeux.
Il aimait passionnément la musique. J’avais une belle voix ; il n’aurait jamais voulu me demander de chanter pour ne pas me donner d’amour-propre. Quelquefois il entrait dans la pièce où j’étudiais, sous un prétexte quelconque, en me disant : « Go on, child » (Continuez, enfant). J’avais très soin de choisir les morceaux qui lui plaisaient le plus ; et, lorsque je m’apercevais que le livre restait devant lui sans être lu ou le papier sans que sa plume y eût rien tracé, j’en ressentais une joie tout à fait dépourvue de cette vanité qu’il craignait de m’inspirer.
Il était très Pitt plutôt que Tory. Il représentait parfaitement the independent country gentleman. Il n’aimait pas beaucoup la noblesse, méprisait les gens à la mode, détestait les parvenus. Il était passionnément attaché à son pays et avait tous les préjugés et les prétentions des Anglais sur leur suprématie au-dessus de toutes les autres nations. Il aimait le Roi parce que c’était celui de l’Angleterre, et l’Église parce que ses rigides principes de morale s’y associaient, plutôt qu’il n’était royaliste et religieux.
J’ai passé deux ans à boire tous les jours un demi-verre de vin de Porto au dessert après ce toast : Old England for ever the King and constitution and our glorious revolution. Probablement cette dernière phrase datait du moment où la famille des Legard avait renoncé aux principes jacobites.