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MÉMOIRES DE MADAME DE BOIGNE

été payé. Le chevalier Legard leur demanda de l’accompagner à Naples, et de retourner ensuite avec lui dans son manoir de Yorkshire où il leur offrait la plus généreuse et la plus amicale hospitalité. Mes parents acceptèrent de passer avec lui quelque temps à Naples, sans s’engager au delà. Le chevalier Legard n’insista pas.

Nous restâmes dix mois à Naples. Ma mère fut très accueillie et fort goûtée par la Reine qui lui faisait conter la Cour de France et tout ce commencement de la Révolution, si intéressant pour elle et comme reine et comme sœur.

J’étais admise auprès des princesses ses filles, et c’est là où a commencé ma liaison, si j’ose me servir de cette expression, avec la princesse Amélie, depuis reine des Français. Nous parlions français et anglais, nous lisions ensemble, j’allais passer des journées avec elle à Portici et à Caserte. Elle me distinguait de toutes ses autres petites compagnes. J’étais moins en rapport avec ses sœurs, quoique nous fussions presque aussi souvent ensemble.

Cependant, après madame Amélie, j’aimais aussi madame Antoinette, depuis princesse des Asturies. Quant à madame Christine, qui est devenue reine de Sardaigne, nous l’excluions de tous nos plaisirs auxquels, quoique plus âgée, elle aurait volontiers pris part. Les deux princesses aînées, l’Impératrice et la grande-duchesse de Toscane, étaient mariées à cette époque.

Il y avait beaucoup d’étrangers à Naples, et je crois qu’on s’y amusait ; pour moi, comme de raison, je ne prenais que peu de part à ces gaietés. On me menait quelquefois à l’Opéra. J’étais déjà une bonne musicienne, et je commençais à avoir une assez belle voix dont Cimarosa s’était enthousiasmé. Il ne donnait pas de leçons, mais il venait fréquemment me faire chanter et m’avait donné un maître qu’il dirigeait.