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MÉMOIRES DE MADAME DE BOIGNE

la duchesse. Toutefois, pour ne pas faire de jaloux, nous étions tous également exclus de la présence des princesses.

Je n’ai pas vu madame Adélaïde trois fois pendant le séjour à Rome ; à la vérité, j’avais un peu passé l’âge où l’on s’amuse d’un enfant comme d’un petit chien. Malgré les querelles domestiques dont elles étaient témoins et victimes, jamais leurs entours ne sont parvenus à désunir les deux vieilles princesses. Elles sont mortes à peu de jours l’une de l’autre, ayant toujours vécu dans la plus tendre union. Madame Victoire avait une grande admiration pour sa sœur qui le lui rendait en affection.

La faible santé de ma mère la retenait habituellement chez elle. Chaque soir, il s’y réunissait quelques personnes, au nombre desquelles les plus assidues étaient les prélats Caraffa, Albani, Consalvi, et enfin l’abbé Maury, alors le coryphée du parti royaliste. Toutes ces personnes étaient spirituelles et distinguées. Je m’accoutumais à prendre goût à leur conversation. J’étais très gâtée par elles, et principalement par l’abbé Maury et le prélat Consalvi.

L’abbé Maury, en butte à toutes les haines, à toutes les intrigues romaines pour l’éloigner de la pourpre à laquelle la faveur du pape Pie VI l’appelait et y donnant sans cesse prise par ses inconvenances, fit un rude noviciat. Il venait raconter ses douleurs à ma mère ; elle le consolait et l’encourageait, tout en le grondant. Le pape le nomma archevêque de Nicée, et l’envoya nonce au couronnement de l’empereur Léopold, ce qui lui assurait le chapeau.

Au retour, il me donna la confirmation et, à cette occasion, une très belle topaze dont l’Empereur lui avait fait cadeau avec plusieurs autres pierres précieuses.