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RÉCIT DE LA REINE

lui : eut-il un moment de pitié, un moment d’hésitation, ou bien, Sainte-Menehould n’était qu’un tout petit hameau, craignait-il de ne pouvoir ameuter assez de monde pour arrêter la voiture ? Je ne sais, mais, bientôt après, il monta à cheval et prit la route de Clermont dont il était maître de poste et où il comptait précéder les voyageurs.

Il en était très près, et s’étonnait de n’avoir pas encore atteint la voiture, lorsqu’il rencontra des postillons de retour :

« La voiture a-t-elle encore beaucoup d’avance ? cria-t-il.

— Nous n’avons pas vu de voiture.

— Comment ! » et il dépeignit la voiture.

« Elle n’est pas sur cette route, mais j’ai vu, de la hauteur, une berline sur celle de Varennes ; c’est peut-être cela. »

Drouet n’en douta pas. En effet, à l’embranchement de la route de Clermont et de celle de Varennes, les gardes du corps avaient fait suivre cette dernière aux postillons. Ils avaient fait quelque légère difficulté sur ce que le relais était plus long et qu’on aurait dû avertir à la poste ; mais ils avaient passé outre et menaient si bon train que Drouet eut peine à les atteindre.

Qu’on suppose l’alarme des voyageurs en reconnaissant l’homme de la roue sur un cheval couvert d’écume. Il fit de vifs reproches aux postillons de mener si vite dans un relais si long, leur ordonna de ralentir le pas en les menaçant de les dénoncer au maître de poste de Sainte-Menehould, et lui-même prit les devants. On n’osait pas trop presser les postillons ; d’ailleurs, on espérait encore éviter le danger.

Un relais, préparé par les soins de monsieur de Bouillé, devait être placé avant l’entrée de Varennes. Il était nécessaire de passer le pont situé à la sortie de la petite