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UNE SEMAINE DE JUILLET 1830

sortîmes du palais sans qu’elle fût reconnue. Cela n’était pas très difficile, au milieu d’un si grand désordre.

Arrivées dans la rue de Chartres, elle me dit en anglais : « Nous sommes suivies. » Nous l’étions, en effet, mais par mon maître d’hôtel. Je l’avais amené parce que c’était de tous mes gens celui sur la discrétion duquel je comptais le plus. Je la rassurai.

« Alors, me dit-elle, donnons-lui toutes les deux le bras ; cela paraîtra plus simple que de voir deux femmes seules dans ce moment-ci. » Ainsi fut fait et Jules Goulay fut honoré du bras d’une Altesse Royale.

Dans le cas où nous rencontrerions quelqu’un de ma connaissance qui voudrait me parler, je devrais m’arrêter tandis qu’elle continuerait son chemin.

Je lui dis le billet que j’avais reçu au sujet de monsieur de Chateaubriand ; elle me répéta combien on attacherait de prix à concilier sa bienveillance, sans toutefois le mettre dans le cabinet. Si l’ambassade de Rome pouvait lui convenir, on serait tout disposé à la lui voir reprendre.

La veille, monsieur de Glandevès m’avait chargée de parler de lui et de son attachement au Palais-Royal. Je m’étais acquittée de cette commission dès le matin. Apparemment, Mademoiselle en avait parlé à son frère, dans leur court entretien, car je fus formellement chargée de dire à monsieur de Glandevès de reprendre son appartement aux Tuileries et qu’on arrangerait sa position. Je fis le message, et il refusa avec beaucoup de bonnes et respectueuses paroles.

Toute ceci prouve combien on aurait désiré, dans ces premiers moments, suivre les habitudes monarchiques, et que la nécessité, formée par l’activité des uns et la réticence des autres, a seule jeté dans d’autres voies.

Je me sers du mot réticence parce qu’il n’y avait pas