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UNE SEMAINE DE JUILLET 1830

comme une espèce de fatalité, elle le faisait. Certes, je ne rappelle pas ces paroles dans un sentiment hostile contre une princesse que je vénère, et dont les malheurs, selon l’expression de monsieur de Chateaubriand, sont une dignité, mais seulement comme une nouvelle preuve de l’ignorance où était la branche aînée du siècle et du pays.

Cet air, dont elle prétendait tirer du respect, ne produisait que de l’aigreur et du mécontentement. Dans cette lettre, il n’était pas question des ordonnances, il paraissait qu’elle en avait déjà parlé : « Je ne reviens pas sur ce que je vous ai dit hier. Ce qui est fait est fait ; mais je ne respirerai que quand nous serons réunis. »

Je retourne au Palais-Royal. On était censé se tenir dans le salon dit des Batailles où une espèce de repas en ambigu était en permanence ; mais, de fait, on était constamment dans la pièce qui servait de communication à tous les appartements et dont le grand balcon donne sur la cour.

Chaque cri, chaque coup de tambour, chaque bruit, et ils étaient fréquents, y rappelait. Madame la duchesse d’Orléans cherchait évidemment à vaincre l’agitation de l’âme par celle du corps ; elle ne tenait pas en place. Après l’avoir suivie pendant quelque temps, j’y renonçai, excédée par la fatigue, et m’assis dans un coin où madame de Dolomieu, aussi lasse que moi, vint me rejoindre.

Nous y restâmes jusqu’au moment où les acclamations, dans la place, nous annoncèrent l’approche de monsieur le duc d’Orléans. Mademoiselle nous suivit à ce signal, suivie par le général Sébastiani. Il avait l’air fort grognon, et, en passant à côté de moi, me jeta un regard où je vis qu’il me savait l’intermédiaire d’une négociation qui lui était aussi désagréable.